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Damir Skenderovic, historien: «Steve Bannon a plus à apprendre des populismes européens que l’inverse»

Entretien avec l’historien spécialiste de la droite radicale Damir Skenderovic, sur la venue de Steve Bannon en Suisse

Steve Bannon à Zurich, 6 mars 2018. — © ADRIAN BRETSCHER
Steve Bannon à Zurich, 6 mars 2018. — © ADRIAN BRETSCHER

Pour sa première tournée européenne, le tribun américain Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, s’est exprimé mardi soir à Zurich. Spécialiste de la droite radicale, Damir Skenderovic analyse le personnage dans son contexte politique.

Notre récit de la conférence: A Zurich, Steve Bannon glorifie Christoph Blocher en père des populistes

Le Temps: Que représente Steve Bannon?** Damir Skenderovic:** Steve Bannon est devenu la figure de l’alt-right américaine, ou alternative right, un nom que la droite s’est donné elle-même. Ce terme, qui a émergé durant la campagne de Donald Trump, exprime une alternative à la droite classique du parti des républicains. Mais elle regroupe une mouvance très lâche et hétérogène allant du Tea Party aux néonazis. Limogé par la Maison-Blanche et par son propre média, l’ancien stratège du président américain cherche sans doute à consolider ses liens avec les mouvements de la droite populiste et nationaliste à l’étranger.

Qu’est-ce qui réunit les droites radicales européennes et américaines? Le message anti-immigration, avec une vision xénophobe du monde. L’anti-establishment, avec le discours «nous contre les élites». Enfin, le nationalisme et le souverainisme, l’«America First» de Donald Trump, que l’on peut décliner dans tous les pays.

L’UDC, prend ses distances d’un côté avec les mouvements nationalistes européens, puis invite Steve Bannon. Ce double discours décrédibilise-t-il le parti? Il fait partie de sa stratégie. D’un côté, l’UDC est un parti politique classique, représenté au gouvernement et au parlement. De l’autre, il travaille à consolider un courant nationaliste xénophobe au sein de l’opinion publique, avec des médias comme la Weltwoche, organe médiatique de la nouvelle droite intellectuelle. Roger Köppel attire l’attention et participe ainsi à une transnationalisation de la droite populiste. Comme Oskar Freysinger lorsqu’il soigne ses contacts avec des figures comme Geert Wilders. Ces partis nationalistes, de leur côté, applaudissent chacune des victoires de l’UDC.

Qui profite le plus de cet événement? Steve Bannon ou l’UDC? Alors que le mouvement populiste européen a commencé d’émerger en force dans les années 1990, aux Etats-unis, il n’en est qu’à ses débuts. Désormais, on observe en Europe une forme de normalisation du discours de la droite populiste. Ces partis se sont établis, on s’est habitué à leurs propos discriminatoires. Steve Bannon a plus à apprendre des droites populistes européennes que l’inverse.