«La mort: un sujet qui ne sortait plus de ma tête»

«La mort: un sujet qui ne sortait plus de ma tête»

Natalia Oberli a gagné le Prix de littérature de l’Université de Fribourg 2016 pour son court récit Ella viene a mí descalza y sin prisa. Malgré un thème sombre, l’écriture expressive de l’auteure a su séduire le jury présidé par le Professeur Ralph Müller. Natalia Oberli s’est confiée à Alma&Georges sur sa passion d’écrire, sa collection de cahiers et sur sa thématique fétiche.

Natalia Oberli, qui êtes-vous ?
Je suis mexicaine et je vis en Suisse depuis environ une année et demie. J’ai suivi mes études au Mexique et je suis titulaire d’un bachelor en philosophie. Parallèlement, j’ai commencé à enseigner l’espagnol, une activité qui me plaisait beaucoup. C’est pourquoi j’ai également suivi une formation pour devenir professeure. Ensuite, j’ai eu l’opportunité de travailler en France en tant qu’assistante en langue espagnole dans un collège. C’est là que j’ai rencontré mon mari qui est suisse. Lorsque nous avons décidé de rester ensemble, je me suis inscrite à l’Université de Fribourg pour suivre un Master en littérature espagnole et en philosophie.

Que raconte l’histoire qui vous a valu le Prix de littérature?
Malgré sa brièveté, il s’agit d’une sorte de récit choral. Le premier personnage est agent en chambre mortuaire. Il prépare les cadavres pour leur présentation aux funérailles. Il habite avec sa petite nièce, Estela, qui aimerait comprendre pourquoi il exerce ce métier. Débutent ensuite trois histoires, qui semblent d’abord n’avoir aucun lien entre elles: celle de  Leonardo, étudiant en philosophie; celle d’un militaire nommée Gabriel; et enfin celle d’Alma. Peu à peu, on se rend compte que les deux jeunes hommes sont frères et qu’Alma est leur mère. Leonardo et Gabriel ont une très bonne relation à la maison, mais, en dehors, ils ont des idées opposées. Tandis que l’étudiant en philosophie participe aux manifestations en faveur des droits des étudiants, le militaire s’y oppose. Mais lorsque Leonardo meurt tragiquement lors d’une manifestation, Gabriel décide de tout abandonner et de quitter le pays. Il n’est peut-être pas mort, mails il a tellement changé que la personne qu’il était n’existe plus. Suite à la perte de ses deux fils, Alma se suicide de chagrin. Apparemment il n’y a aucun lien entre l’agent de chambre mortuaire et les trois autres histoires, mais c’est à la fin du récit qu’on comprend quelle est la relation entre tous les personnages. Je vous laisse la découvrir en lisant mon récit.

Pourquoi avoir choisi ce thème, souvent tabou dans notre société?
Pour mon bachelor, j’ai beaucoup étudié la relation entre la mort et la psychologie humaine, ainsi que son côté esthétique. J’ai même écrit mon mémoire sur cette thématique, d’après le philosophe et écrivain français George Bataille, qui avait une véritable fascination pour la mort. Depuis ce moment, ce sujet m’intéresse et ne sort plus de ma tête.

Quelles sources d’inspiration vous ont accompagnée?
Ma propre vie, mes lectures et mes rêves m’ont toujours beaucoup inspirée. Parfois je m’endors, je rêve et je me lève pour écrire. Parfois je prends des notes le lendemain, si je m’en souviens encore. En fait, j’ai toujours aimé écrire. Depuis mes années de collège, j’écris tout le temps. Quand je lis, j’écris mes réflexions, mes sentiments, des phrases et mes idées dans de petits cahiers que j’ai toujours avec moi. J’en ai rempli beaucoup, mais je n’ai jamais écrit une histoire entière auparavant. La participation au concours de littérature m’a motivée à créer une sorte de recueil de pensées, inspirées soit d’autres penseurs et de leurs livres, soi de sujets que j’avais étudiés ou de travaux que j’avais menés.

Comment avez-vous travaillé?
C’est pour ce concours que je me suis sérieusement lancée dans la fiction. Au début, j’avais des doutes et je ne savais pas si j’allais réussir. Je croyais que je n’étais pas assez douée et que je n’avais pas la créativité pour écrire une histoire, créer des personnages. Je ne m’en sentais pas capable. Mais il fallait que j’essaie.

Que signifie ce prix pour vous?
C’est une véritable surprise! Quand j’ai rendu mon récit, je me sentais comblée, parce que, pour la première fois dans ma vie, j’avais osé créer des personnages et une histoire. Gagner le prix a été un «plus», qui a cassé des a priori que j’avais sur moi-même depuis très longtemps. Que mon histoire ait été lue par des spécialistes, qui l’ont appréciée, m’encourage à dépasser les limites que je me suis fixées et à continuer à écrire.

Vous êtes plutôt stylo ou ordinateur? J’ai toujours aimé écrire à la main. Je collectionne les stylos. Ils ne doivent pas être particulièrement beaux, mais j’aime leurs différentes manières d’écrire. Je collectionne également les cahiers. J’en ai beaucoup où j’écris tout ce qui me paraît important. Quand je voyage, j’en ai toujours un avec moi. Mais quand je rédige un travail pour mes études sur mon ordinateur, je collectionne aussi mes idées dans un dossier. En fait, j’écris un peu partout, sur tout ce qui me tombe sous la main, des publicités par exemple, et je collectionne tous ces petits bouts de papier.

Que représente l’écriture pour vous?
(Soupir) Quand j’ai commencé à écrire, j’avais le sentiment d’être plutôt timide, même si mes amis ne me voyaient pas ainsi. Il me paraît pourtant plus facile de m’exprimer au travers de l’écriture. J’ai le sentiment d’être plus claire, plus directe et plus sincère. C’est, en fait, une façon d’être moi-même.

Quels sont vos projets? Pensez-vous à une prochaine histoire?
Aujourd’hui, je continue à remplir mes cahiers avec mes idées et mes sentiments. Je ne sais pas encore si cela pourrait donner naissance à une histoire, mais c’est un début. Une nouvelle page peut commencer à s’écrire.

Que faites vous, quand vous n’écrivez pas ?
J’adore danser. La danse m’accompagne depuis ma petite enfance. Toute ma famille aime danser. C’est surtout ma mère qui m’a inspirée. J’ai commencé avec le ballet, ensuite j’ai appris une danse régionale du Mexique et une danse hawaïenne. Ensuite, je suis passée au jazz et, finalement, à la salsa et au tango.

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Voyage à travers les livres:

Un livre important… de votre enfance…
J’aimais beaucoup les contes de fées et les histoires que ma maman me racontait avant de dormir.

… de votre jeunesse…
Le monde de Sophie du Norvégien Jostein Gaarder est un des premiers livres que j’ai lu. C’est une sorte d’introduction à la philosophie: à la fois  un livre académique et un roman. Je l’ai lu à l’époque du lycée et, un jour, en classe, j’ai trouvé sur ma table un papier, signé seulement de la lettre N, qui disait: «Si tu pouvais changer quelque chose à ta vie, qu’est-ce que ce serait?». Je n’ai jamais su qui m’avait écrit ce papier, mais je l’ai gardé.

… d’aujourd’hui…
Je n’ai jamais réussi à dire quel était mon livre préféré. Avant, je voulais absolument le trouver – Le livre. Mais, ensuite, j’ai renoncé: c’est mieux de ne pas avoir à choisir. Océan mer d’Alessandro Baricco m’a passionnée. Ce roman m’a accompagné en Sicile. Je le lisais à la plage et, quand je levais la tête, je pouvais voir ce que je lisais. Un autre livre qui m’a énormément plu c’est Puedo explicarlo todo de Xavier Velasco, un écrivain mexicain, qui m’a suivie pendant mon voyage en France.

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  • Le concours littéraire de l’Université de Fribourg est organisé par le Rectorat tous les deux ans. Les prix décernés récompensent les meilleurs travaux, présentés dans les différentes langues et littératures enseignées à l’Université. Toutes et tous les étudiant-e-s immatriculé-e-s à l’Université de Fribourg ont le droit d’y participer.

Author

Nathalie Neuhaus arbeitet als Webpublisherin an der Rechtswissenschaftlichen Fakultät der Uni Freiburg und als freischaffende Journalistin.

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