Que ressentent les filles quand elles lisent?
School education and literacy concept with Asian girl kid student learning and reading book in library or classroom

Que ressentent les filles quand elles lisent?

La forme masculine générique pose un véritable problème à notre cerveau. Une ambiguïté qu’il faut impérativement lever pour donner une meilleure visibilité aux filles, notamment au niveau de  l’accès aux professions. Au moment où l’Académie française fait – enfin – un pas dans cette direction, Pascal Gygax donnera une conférence sur le sujet lors de la Semaine du cerveau.

Quel défi les formes masculines posent-elles à notre cerveau?
Si le genre grammatical féminin est indiscutablement associé à une femme, la marque grammaticale masculine est quant à elle ambiguë. Formellement, cette dernière peut être interprétée de plusieurs manières différentes. Elle peut se référer exclusivement au genre masculin, à un groupe mixte (constitué d’une majorité de femmes ou d’une majorité d’hommes), ou encore à un groupe neutre (dont on ne connaît pas la composition).

Comme le montrent 20 ans de recherche sur le sujet, cette ambiguïté va poser un problème à notre cerveau, qui doit constamment choisir le sens qui lui semble pertinent, en fonction du contexte. De fait, nous avons montré – ici à Fribourg (d’autres équipes l’ont montré également) – que notre cerveau, systématiquement et indépendamment du contrôle que nous essayons parfois de mettre en place, résout l’ambiguïté sémantique du masculin au dépend des femmes et au profit des hommes. Ceci veut simplement dire que le sens «masculin = homme» est toujours activé et que nous ne pouvons pas empêcher cette activation, même si nous essayons d’activer consciemment les sens «masculin = mixte ou neutre».

Notre cerveau s’habituera-t-il vraiment à des écritures alternatives et inclusives?
Si vous reprenez le dernier article de Patricia Michaud dans universitasUn langage inclusif pour faire changer les mentalités»), vous ne remarquerez peut-être pas que tout l’article est écrit en langage inclusif. Pourtant, c’est le cas. Souvent, nous ne remarquons même pas qu’un texte est écrit de manière inclusive.

En fait, notre cerveau – encore une fois les données scientifiques le montrent – peut très rapidement s’habituer à de nouvelles formes d’écriture. Certaines formulations inclusives, comme remplacer l’individu par le groupe (par exemple, «le corps étudiant» au lieu «des étudiants») n’ont absolument jamais posé de problème à notre cerveau. Notez également que certaines formes inclusives comme les doublets (par exemple, les étudiantes et étudiants) étaient fréquemment utilisées jusqu’au XVIIe siècle. Ces doublets n’ont pas disparu parce qu’ils posaient des problèmes à notre cerveau, mais parce que les grammairiens de l’époque (ainsi que l’Académie Française) voyaient d’un mauvais œil le fait que l’on puisse utiliser des termes féminins pour des activités réservées aux hommes. Par exemple, le terme «autrice» a été utilisé jusqu’au XVIIe siècle et a disparu du premier dictionnaire de l’Académie, car de plus en plus d’autrices commençaient à être lue à cette époque, et ceci dérangeait ces messieurs.

Quel est le plus important? Inclusion linguistique ou efficacité?
Je ne comprends pas tout à fait le sens de la question. La recherche sur le sujet montrant clairement que le langage inclusif augmente la visibilité des femmes dans la société et permet aux enfants d’envisager un plus large spectre de métiers (notamment), nous pouvons affirmer que ce que vous appelez «inclusion linguistique» est, par définition, efficace. A moins que, j’imagine, on ne souhaite ni améliorer la visibilité des femmes dans notre société, ni offrir des choix professionnels plus variés à nos enfants. Ce qui, dans un système androcentré (tout est fait par et pour les hommes), conservateur et patriarcal comme le nôtre, est probablement assez fréquent.

Quelles formes d’écriture inclusive recommandez-vous aujourd’hui?
Dans les ateliers que nous donnons, nous présentons différentes formes de langage inclusif, allant de ce nous appelons «la neutralisation» (c’est-à-dire, éviter d’explicitement mentionner le genre des personnes d’un groupe si cela n’est pas central ou utiliser des formes épicènes) à l’utilisation de «doublets» (par exemple, les mécaniciennes et mécaniciens). Les formes contractées (par exemple, les étudiant·e·s) – souvent au centre du débat – sont également possibles, mais seulement si les autres alternatives sont difficilement applicables.

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Author

Exerce d’abord sa plume sur des pages culturelles et pédagogiques, puis revient à l’Unifr où elle avait déjà obtenu son Master en lettres. Rédactrice en chef d’Alma & Georges, elle profite de ses heures de travail pour pratiquer trois de ses marottes: écrire, rencontrer des passionnés et partager leurs histoires.

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