Maladie d’Alzheimer: la Suisse frappée de plein fouet

Maladie d’Alzheimer: la Suisse frappée de plein fouet

En Suisse, près de 154’000 personnes souffrent d’une forme de démence, un chiffre astronomique qui pourrait doubler d’ici à 2040. A l’occasion de la journée mondiale de la maladie d’Alzheimer, la Dre Lavinia Alberi Auber de l’Unifr et du Swiss Integrative Center for Human Health tire la sonnette d’alarme et en appelle à des investissements massifs dans la recherche pour contrecarrer cette épidémie!

La Suisse enregistre chaque année plus de 30’400 nouveaux cas de démence. Pourquoi?
C’est, bien sûr, dû au vieillissement général de la population, ce qui est en soi une bonne nouvelle. En ce qui concerne les causes mêmes de la maladie d’Alzheimer, les chercheuses et les chercheurs ont mis en évidence des facteurs héréditaires, mais aussi l’influence de l’hygiène de vie: pratiquer du sport régulièrement ou manger de manière saine diminuent les facteurs de risque. On a aussi remarqué que les infections herpétiques ou des traumatismes cérébraux peuvent jouer un rôle dans l’apparition de la maladie. Les causes sont donc multiples, ce qui explique qu’il n’existe, à ce jour, aucun traitement pour cette maladie.

Mais le temps presse!
En Suisse, la maladie d’Alzheimer provoque des coûts astronomiques, plus de 6,3 milliards de francs pour le système de santé et plus de 5,5 milliards de francs pour les familles! Je ne peux donc que m’étonner du faible soutien financier dont bénéficie la recherche. A cela s’ajoutent les conséquences sur les patient·e·s et leurs proches: les personnes atteintes d’Alzheimer souffrent de troubles du langage, éprouvent des difficultés à s’exprimer, à comprendre ce qu’on leur dit. Certaines familles feignent d’ignorer ces symptômes, ce qui, bien sûr, n’arrange rien à la situation et stigmatisent les malades. C’est pourquoi, nous voulons profiter de ce mois de septembre, décrété mois mondial de la maladie d’Alzheimer, pour lancer une campagne internationale visant à sensibiliser la population mondiale à la démence et à cette affection.

D’où votre idée de générer des synergies en créant Brainfit4Life, un groupe de travail basé à Fribourg?
Avec Brainfit4Life, nous nous sommes donné la mission d’explorer de nouvelles pistes thérapeutiques au profit des patient·e·s et de leur famille. Il s’agit d’une organisation à but non lucratif qui réunit des scientifiques, des clinicien·ne·s et des expert·e·s de Suisse et d’ailleurs. Nous mettons également l’accent sur la prévention et la sensibilisation. La population et les autorités doivent mieux connaître cette problématique.

Votre association souhaite aussi faire le pont entre la recherche fondamentale et l’industrie.
Absolument! Notre installation au Swiss Integrative Center for Human Health (SICHH) facilite cet échange indispensable entre le monde académique et l’industrie. Il y a d’ailleurs parmi nous des représentant·e·s de l’industrie, ce qui favorise la collaboration entre les institutions publiques et privées. Nous nous sommes fixé quatre objectifs dans notre programme de recherche stratégique: établir un registre national de la santé cérébrale, mettre sur pied des programmes pour le diagnostic précoce, élaborer des thérapies personnalisées et, finalement, mettre sur pied cette fameuse campagne de sensibilisation pour éviter l’incompréhension, le malaise et la stigmatisation qu’engendre le vieillissement cérébral.

Photo: Lavinia Alberi Auber

Raison pour laquelle vous organisez, le 13 octobre prochain, un symposium sur ce thème.
C’est un événement très important, soutenu d’ailleurs par le Fonds national suisse et Innosuisse, qui réunira des scientifiques et des clinicien·ne·s bien connus, suisses et étrangers. Nous pourrons notamment compter sur la présence de Matthew Baumgart, directeur général des affaires gouvernementales pour l’Association d’Alzheimer aux Etats-Unis et, accessoirement, ancien collaborateur de Joseph R. Biden, ainsi que sur celle de Manoj Pradhan, un spécialiste des questions macro-économiques et des marchés financiers. Leurs interventions nous permettront de trouver des solutions au fardeau socio-économique de la démence et des autres maladies neurologiques.

On sent que votre intérêt pour cette maladie va bien au-delà de la pure curiosité scientifique. Etes-vous personnellement concernée? D’où vous vient cet engagement?
Je ne suis pas inquiète pour moi mais, en tant que spécialistes du domaine, je ressens une sorte d’obligation morale envers les familles et les patient·e·s. Nous devons mieux faire et je suis convaincue que nous n’y parviendrons qu’en harmonisant les ressources et en créant un réseau solide, afin d’inspirer ainsi la nouvelle génération de neuroscientifiques et d’activistes. La Suisse est le pays de l’innovation, nous jouissons d’infrastructures et d’institutions formidables, mais nous ne pourrons faire la différence qu’en augmentant les investissements. Je tiens à relever qu’un traitement par anticorps développé en Suisse, l’Aducanumab, s’avère prometteur et qu’il est en cours d’évaluation par la Food and Drug Administration. Ce serait le premier médicament après 20 ans d’échecs d’essais cliniques.

Tout espoir n’est donc pas perdu?
Nous devons comprendre que le vieillissement pathologique du cerveau se développe lentement et insidieusement au cours d’une longue étape asymptomatique. Le diagnostic précoce, à un stade où les processus peuvent en effet encore être réversibles, faciliterait la mise en œuvre d’un programme thérapeutique ou de prévention et retarder l’apparition du déclin cognitif. Pour conclure, j’ajouterais que connaître les facteurs de risque peut contribuer à améliorer la vie de nombreuses personnes.

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The long and winding road! Après un détour par l'archéologie, l'alpage, l'enseignement du français et le journalisme, Christian travaille depuis l'été 2015 dans notre belle Université. Son plaisir de rédacteur en ligne? Rencontrer, discuter, comprendre, vulgariser et par-ta-ger!

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