Épistémologie des approches biographiques

10e édition du Séminaire du CERF

Fribourg, le vendredi 13 décembre 2019 de 9h00 à 12h15 / Salle LIP - C-01.109 (Regina Mundi)

 

Programme en version PDF

Les sciences de l’éducation sont confrontées à de nombreux défis méthodologiques parmi lesquels la complexité des situations étudiées et la prise en compte de la subjectivité des acteurs qui les vivent. De nombreuses démarches qualitatives envisagent la récolte et l’analyse de données sous l’angle particulier de ce paradigme interprétatif, et notamment l’analyse biographique parfois appelée « récit de vie » ou « histoire de vie ». Celle-ci tente en effet de relever ces défis en proposant des méthodes qui, dès leur origine, se sont construites sur une critique des méthodes quantitatives et du positivisme de certaines analyses statistiques (Bertaux, 1980, 1997). Ces méthodes empruntent à l’histoire et à la sociologie de l’école de Chicago (Peneff, 1990) pour mener « l’analyse d’un récit par un acteur sur des événements qu’il a vécus » (Wacheux, 1996 p. 127) sur la base d’un « discours (…) provoqué par le chercheur ».

Cette nouvelle édition du séminaire du CERF dédiée à l’épistémologie des approches biographiques a pour objectif de susciter des échanges sur ce courant méthodologique afin de comprendre les méthodes mises en oeuvre, leur intérêt pour les recherches en éducation et leurs limites. Il s’agit donc d’interroger la scientificité d’une approche qui s’inscrit dans un champ ethnosociologique avec une perspective diachronique.

 

Références

  • Bertaux, D. (1980). L’approche biographique, sa validité méthodologique, ses potentialités.Cahiers internationaux de sociologie, 69 (2), 198-225.
  • Bertaux, D. (1997). Paris , France :Armand Colin.
  • Wacheux, F. (1996). Méthodes Qualitatives et Recherche en Gestion. Paris, France : Economia.

 

 Résumés des interventions

  • De quelques sérieux en-je-ux

    La recherche biographique connaît aujourd’hui une reconnaissance à multiples niveaux, tant disciplinaires qu’internationaux. Mais sa validité, ou son sérieux, ne font pas l’unanimité. Bertaux citait déjà en 1980 ces sociologues qui, « obnubilés par la recherche d’une apparence de scientificité, se tournent de plus en plus vers le quantitatif et délaissent les récits de vie » (p. 198). Ce risque reste d’actualité. Cela demande donc de continuer à s’interroger, de manière à la fois lucide et impliquée, sur les fondements épistémologiques des recherches de type biographiques d’une part, et d’autre part, plus largement sur la complexité des enjeux de scientificité, au-delà des apparences. Pour contribuer à ces réflexions, nous nous appuierons sur des recherches menées en développant une multi-méthode (Perrin et Vanini De Carlo, 2016) dans un design itératif plutôt que consécutif, c’est-à-dire qui assume la nonsubordination d’une méthode ‒ l’analyse narrative justement ‒ à l’autre ‒ l’analyse de l’activité en l’occurrence. Nous essayerons de mettre en discussion de manière critique certains éléments de notre choix d’une posture épistémologique compréhensive (Vanini De Carlo, 2014).

     

    Katja Vanini De Carlo, docteure en sciences de l’éducation ; Coordinatrice pédagogique (DIP Genève) ; Formatrice (HEP Vaud - PIRACEF) ; Chercheuse (Université de Genève ‒ équipe LIFE)

    Présentation PDF

     

    Bertaux, D. (1980). L'approche biographique : sa validité méthodologique, ses potentialités.. Cahiers Internationaux de sociologie, 69, 197-225 [en ligne]. http://www.jstor.org/stable/40689912

    Perrin, N. et Vanini De Carlo, K. (2016). L’événementialisation comme co-construction des connaissances : esquisse d’une multi-méthode issue de l’analyse de l’activité et de l’analyse narrative. In Raisons Educatives, F. Ligozat, M. Charmillot et A. Muller (Dir.), Le partage des savoirs dans les processus de recherche en éducation. Bruxelles, Belgique : De Boeck.  lien

    Vanini De Carlo, K. (2014). Se dire e(s)t devenir - La recherche biographique comme choix épistémologique. In Revue ¿, N°17. L’approche biographique. Janvier 2014 [en ligne].  lien

     

      

  • Analyser des parcours d'alphabétisation dans une perspective biographique : quand apprendre à lire et à écrire devient une quête

    Notre contribution présente un dispositif de recueil de données et d’analyse d’entretiens issus d’une recherche qui s’inscrit dans le domaine des histoires de vie en formation des adultes et de la recherche biographique (Dominicé, 2003 ; Pineau & Le Grand, 2013). L’objet de cette recherche porte sur les cadres biographiques du processus d’alphabétisation d’adultes migrants non scolarisés dans l’enfance dans leur pays d’origine, qui ont appris à lire et à écrire à l’âge adulte dans une langue qui n’est pas leur langue première (le français). Le recueil de données se fait par « entretiens biographiques » (Bertaux, 2016 ; Demazière et Dubar, 2004). Ces derniers permettent d’analyser le processus d’alphabétisation de ces adultes et de mieux comprendre les rapports entretenus avec l’écrit au fil de leurs parcours de vie. Le dispositif d’analyse met notamment à profit les outils de l’analyse structurale (Demazière et Dubar, 2004 ; Piret, Nizet & Bourgeois, 1996) et du modèle actanciel (Greimas, 2002). Les épreuves du récit (Propp, 1970) font l’objet d’une attention particulière. Le cadre théorique de référence se situe par ailleurs dans le champ de la formation linguistique des migrants en contextes d’insertion (Adami, 2009 ; Adami et Leclercq, 2012) ainsi que dans celui des New Literacy Studies (Barton & Hamilton, 2010) où la littératie est envisagée en tant que « pratique sociale ». Un intérêt est également porté sur les dynamiques identitaires à l’oeuvre dans les processus d’engagement en formation (Barbier & al., 2006). Les questions de recherche s’orientent autour de trois axes : enjeux de l’entrée dans l’écrit et dynamiques d’engagement en formation ; ressources, supports et freins à l’apprentissage ; effets de la formation et apprentissage (entrée dans l’écrit effective). Pour cette contribution, nous nous focaliserons sur le recueil et l’analyse des données en tâchant de mettre en évidence non seulement la richesse et les potentialités d’une recherche de type biographique, mais également les obstacles et les limites auxquels elle est susceptible d’être confrontée, en particulier avec le public concerné.

     

    Samra Tabbal Amella, doctorante en sciences de l’éducation (Université de Genève, FPSE - Équipe I-ACT), Chargée d’enseignement suppléante (Université de Genève, FPSE, Formation d’adultes) ; Maîtresse de formation professionnelle, école d’ASE (CFPS, DIP, Genève)

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  • Le paradigme indiciaire au service des sciences sociales : l’analyse des problèmes sociaux

    L’analyse des problèmes sociaux peut se faire grâce à diverses démarches méthodologiques, qualitatives ou quantitatives, qui toutes ont en commun la volonté d’éclairer une zone d’ombre bien définie. Cette intervention vise à présenter un axe d’investigation des problèmes sociaux qui se soucie avant tout du sens accordé par les personnes directement concernées, aux conduites qui sont les leurs et aux événements qui jalonnent leur parcours de vie. C’est donc ici la subjectivité qui est au centre de la récolte et de l’analyse des données et qui recèle, potentiellement, d’informations permettant de saisir les logiques d’action en oeuvre au sein des problèmes sociaux. Pour saisir le sens caché des conduites individuelles et parfois collectives, le paradigme indiciaire, revisité pour les sciences sociales, constitue un outil méthodologique utile et pertinent à l’analyse de l’expérience subjective.

     

    Géraldine Duvanel Aouida, lectrice (Travail social et politiques sociales, Université de Fribourg) ; Consultante, formatrice et médiatrice (Enkidu Conseil Sàrl)

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