Jeux de lettres et d'esprit dans la poesie manuscrite en français (XIIe–XVIe s.)

Projet-FNS (100012_178882) sous la direction de Prof. Dr. Marion Uhlig

Durée : 1 janvier 2019–31 décembre 2022

Partenaires : Olivier Collet (Université de Genève) ; Yan Greub (ATILF-Université de Nancy ; Université de Neuchâtel) ; Pierre-Marie Joris (Université de Poitiers)

Collaborateur docteur : Thibaut Radomme (Université catholique de Louvain ; Université de Lausanne)

Collaborateur doctorant : David Moos (Université de Fribourg)

 

« Mais c’est vieux comme le monde, la machine de ce farceur d’Apollinaire ! » : le poète Fagus ne croyait pas si bien dire en qualifiant les premiers calligrammes de 1914, tant les périodes littéraires antérieures regorgent de ce type d’artifices formels. Ces jeux de lettres et d’esprit reposent sur deux modalités d’affranchissement qui font de la poésie une « école de la liberté » (Gros 1993) : déjouer l’arbitraire du signe en surdéterminant la signification de chaque lettre ; s’émanciper de la linéarité de l’écriture au profit de formes alternatives d’expression graphique. 

Le Moyen Âge en est un âge d’or, notamment pour le français, et le présent projet souhaite le montrer. L’hypothèse principale est que le corpus manuscrit des jeux de lettres et d’esprit en français (XIIe–XVIe s.) forme le chaînon manquant entre deux pôles de création littéraire célèbres pour leur virtuosité formelle, à savoir la poésie lettriste médiolatine (Ve–IXe s.) et celle, en français, des Grands Rhétoriqueurs (XVe–XVIe s.). Héritier de la première, il forme le creuset de la seconde. De l’étude de cette genèse dépend par conséquent la compréhension de la poétique des jeux de lettres et d’esprit en français, celle de la Seconde Rhétorique mais aussi de toute la production ultérieure qui s’en réclame, à l’instar des expérimentations surréalistes, dadaïstes ou encore oulipiennes. 

Pourtant, les jeux de lettres et d’esprit en français du Moyen Âge n’ont fait jusqu’ici l’objet d’aucune étude spécifique. En amont des Grands Rhétoriqueurs, ils font figure de point aveugle de la critique à l’exception d’approches parcellaires ou de monographies limitées à un seul auteur.

Le projet poursuit trois objectifs scientifiques, fondés sur des approches méthodologiques distinctes, qui permettront d’étayer notre hypothèse :

1 – Constituer, analyser et en partie (ré)éditer le corpus manuscrit des jeux de lettres et d’esprit en français (XIIe–XVIe s.) : a) Etude globale du corpus ; b) Etude spécifique des abécédaires, pangrammes et tautogrammes ;
c) Promotion du corpus manuscrit des bibliothèques de Suisse. Les bornes chronologiques sont celles de la transmission manuscrite qui garantit la liberté graphique hors des contraintes techniques de l’imprimerie.
2 – Inscrire le corpus dans une histoire poétique et culturelle longue des jeux de lettres et d’esprit en français
3 – Déterminer le projet littéraire spécifique à ce corpus et approcher la forma mentis des auteurs et lecteurs

La diffusion des résultats de l’enquête sera principalement assurée par 5 sous-projets :

A – Une monographie sur les jeux de lettres écrite collectivement par les membres de l’équipe
B – Une anthologie commentée des abécédaires, pangrammes et tautogrammes manuscrits en français
C – 2 expositions « réelle » et « virtuelle » avec e-codices des manuscrits des bibliothèques de Suisse
D – Une thèse de doctorat impérativement consacrée à une partie spécifique du corpus des jeux de lettres
E – 2 colloques internationaux avec publication (Actes et numéro de revue) et un cours de formation doctorale

Le projet, mené en équipe, entend apporter une contribution significative à l’étude des jeux de lettres et d’esprit en français, en mettant en œuvre plusieurs types de collaborations avec des spécialistes suisses et internationaux d’autres périodes, d’autres disciplines et d’autres expressions linguistiques, ainsi qu’avec la plateforme numérique e-codices. Il a pour objectifs académiques le soutien de la relève doctorale et post-doctorale, la promotion de la formation et de la recherche en langue et littérature françaises médiévales à l’Unifr et le travail au sein d’une équipe soudée. Les résultats s’adresseront d’une part à la communauté des médiévistes, toutes disciplines confondues, d’autre part aux spécialistes de littérature. La diffusion des résultats auprès d’un plus large public sera assurée en parallèle par différentes voies (expositions et catalogue ; enseignements ; formation doctorale ; formation continue des étudiants du secondaire ; café scientifique ; émissions de radio).

Plan de recherche détaillé