Published on 12.12.2019

Promenons-nous dans les bois, à la recherche de la gélinotte


Pendant 2 ans, la Fribourgeoise Sandrine Wider a arpenté les forêts des Préalpes du canton, plus particulièrement 4 zones de 200 hectares, afin d’étudier les caractéristiques de l’habitat et son influence possible sur le comportement de territorialité chez la Gélinotte des bois, une discrète petite cousine du Grand Tétras. A l’été 2019, elle a présenté les données récoltées et ses conclusions lors de sa défense de Master en Biologie. Cerise sur le gâteau, ce travail a été le tremplin de la mise en place d’un suivi de la gélinotte à l’échelle du canton de Fribourg.

La Gélinotte des bois (Bonasa bonasia) est une espèce forestière que l’on retrouve dans les zones montagneuses d’Europe occidentale et centrale et depuis les pays scandinaves jusqu’en Corée. L’association entre caractéristiques des forêts et présence de l’espèce a été décrite dans différentes études, mais celles-ci étaient dépendantes de condition locale. Avec son directeur de thèse, Gwenaël Jacob, Sandrine cherchait à élaborer un modèle plus simple et généralisable, basé sur les besoins écologiques de l’espèce.

En s’intéressant tout d’abord aux études publiées sur ce galliforme, ils ont été intrigués par le fait que la gélinotte présente un comportement grégaire dans les grandes forêts de Russie mais vit en couple et défend un territoire en Scandinavie, France et Suisse. Cela a été le point de départ de passionnantes découvertes. Sandrine se rappelle : « Les questions sont venues petit à petit, au fil de l’avancée du projet, il n’y avait pas de chemin tout tracé ». Gwenaël Jacob ajoute: "Nous nous sommes basés sur les modèles théoriques pour tester l’hypothèse que la répartition spatiale des ressources influence le comportement de territorialité chez la gélinotte."


Défense d’une ressource rare
Pourquoi les mâles de gélinotte défendent-ils si âprement un territoire dans nos forêts ?  Probablement pour s’accaparer une ressource peu disponible dans les Préalpes. C’est pour vérifier cette hypothèse que les scientifiques ont parcouru les zones d’études et cartographié les ressources hivernales, arbres nourriciers et perchoirs, à l’aide de tablettes équipées de GPS.

L’analyse de la distribution spatiale des sorbiers, saules, noisetiers et aulnes, dont la Gélinotte consomme les bourgeons en hiver, a mis en évidence que les ressources en nourriture étaient abondantes et réparties régulièrement dans le paysage. Les investigations se sont alors portées sur les perchoirs, de grands Épicéas et Sapins qui offrent à la Gélinotte un abri sûr contre les prédateurs (martre et autour, principalement) et les conditions météorologiques parfois rigoureuses rencontrées dans les Préalpes : froid, vent et neige. L’analyse des caractéristiques des Épicéas et Sapins identifiés le long des transects a révélé que les perchoirs potentiels étaient peu nombreux et inégalement répartis dans le paysage. Cette étude montre ainsi que, dans un paysage où les ressources en nourriture sont facilement disponibles, les Gélinottes sont en compétition pour occuper et défendre des abris sûrs.

Dans une deuxième phase, les quatre sites ont été parcourus à la recherche d’indices de présence, analysés si besoin à l’aide d’outils moléculaires afin différencier les crottes de Gélinotte de celle de son cousin le Tétras lyre. Les données de présence de Gélinotte ont permis de valider un modèle d’habitat basé sur les disponibilités en ressources hivernales. Les méthodes utilisées dans le cadre du master de Sandrine fourniront les bases au suivi de la Gélinotte dans le canton de Fribourg et à la thèse de master de Vincent Grognuz, qui s’intéresse aux déplacements de la Gélinotte et à la connexion entre aires de présence de l’espèce dans les Préalpes.

Une belle aventure humaine
Pour Sandrine, ce travail a été également très enrichissant sur le plan humain et collaboratif. Dès le début, elle a pu travailler avec des acteurs extérieurs à l’université, tel que Adrian Aebischer, responsable des oiseaux sauvages à l’Etat de Fribourg. "Dans les régions à faible densité, la présence de la gélinotte est souvent difficile à prouver et les méthodes classiques ne sont pas toujours très fiables dans ces cas. Sandrine et ses collaborateurs n'ont pas seulement réussi à prouver la présence dans plusieurs secteurs, mais leur méthode pourra être utilisée pour un suivi de l'espèce à long terme" confirme A. Aebischer. 

Elle a également présenté, avec son successeur Vincent Grognuz, les résultats de son Master lors d’un congrès en Lituanie (Intenational Union of Game Biology), où elle s’est vu décerner le prix du jeune chercheur.
Durant ces deux hivers de récolte de données sur des terrains souvent difficiles d’accès, Sandrine et Vincent étaient assisté par trois civilistes du Musée d’Histoire Naturelle, Romain Cottet, Gilles Hauser et David Giovannini.