• Rochat François

• Rochat François

En science comme dans bien des domaines de la société, le doute va de pair avec le savoir, car pour douter de quelque chose, il faut au préalable connaître quelque chose. Le doute vient donc après la connaissance, il est la conscience de ce qui sépare le connu de l'inconnu.
Un sérieux problème pour la science comme pour la société se pose cependant lorsqu'on met le doute avant la connaissance, c'est-à-dire quand on doute avant même de savoir quoi que ce soit. Pourtant, c'est précisément cela qui arrive parfois aujourd'hui. En va-t-il ainsi parce que l'on estime que l'on a le droit d'exprimer ses doutes comme on a celui d'exprimer ses opinions, même les plus dépourvues de raisons? Jeanne Calment, la centenaire la plus étudiée et aussi la doyenne en âge des être humains connus à ce jour ne serait pas décédée en 1997 à l'âge de 122 ans, selon l'opinion d'un diplômé en mathématique, du nom de Nikolaï Zak, qui vit dans la région de Moscou où il travaille comme souffleur de verre. Pour lui, la longévité impressionnante de Jeanne Calment relève de la fraude. Son opinion est que la fille de Jeanne Calment a tout simplement pris la place de sa mère. Son opinion, une fois publiée, a semé le trouble dans les esprits, car on pense généralement que la personne qui exprime ses doutes à l'égard de faits pourtant bien établis doit avoir de sérieuses raisons de le faire. En va-t-il effectivement de la sorte?
La science peut-elle se nourrir de cette sorte de doutes et la société s'en réjouir? Comme le neurobiologiste Stuart Firestein, spécialiste de l'odorat humain, le met en lumière dans son ouvrage Failure : Why Science Is So Successful (Oxford, UP, 2016), le succès de la démarche scientifique provient de sa capacité à se corriger grâce non pas au doute de l'opinion mais bien à l'ignorance des scientifiques. Faire des recherches scientifiques amène à découvrir ce que l'on ne sait pas, de sorte que la découverte scientifique nous permet aussi de découvrir l'étendue de notre ignorance, ce qui éveille à son tour notre curiosité, celle des scientifiques tout particulièrement et les orientera vers l'approfondissement de leurs recherches ou vers de nouveaux horizons.
Dans ce cours, le rôle joué par l'ignorance dans l'élaboration d'un savoir dont les limites en font la force sera examiné de près dans l'idée, tout d'abord, de comprendre ce que l'ignorance consciente d'elle-même est susceptible de nous enseigner. Ensuite nous verrons comment le doute de l'opinion, quant à lui, pourrait devenir un moyen d'affaiblir la recherche scientifique sous couvert d'un prétendu droit à douter de tout dont le droit à la liberté d'expression serait le fondement. Cet examen sera conduit grâce à l'étude de divers textes écrits aussi bien par des scientifiques que des philosophes, et par l'étude de quelques cas dans lesquels le doute de l'opinion et l'ignorance ont pu être, pour un temps, confondus.

Ce cours donnera lieu à la présentation de quelques études de cas dont il s'agira de prendre connaissance. Nous procéderons ensuite à une réflexion dont le but sera d'éclairer ces situations qui dégénèrent vite en controverses là où la science a pourtant les moyens de progresser, pour autant que le travail des scientifiques puisse être protégé des conflits d'intérêt. Il sera donc question aussi, dans ce cours, de déontologie professionnelle.

Ce cours s’adresse aux étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences et de médecine et de l’Université de Fribourg en général.et étudiantes de la Faculté des Sciences et de l’Université de Fribourg.

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