Bien que selon la célèbre formule de son président, la « Croix-Rouge n’existait pas pour parler, pour prendre position, pour juger, mais pour agir concrètement en faveur des victimes » (Max Huber), les acteurs humanitaires ont dès l’origine intégrer l’intérêt de témoigner de leurs expériences aux côtés des victimes. D’Un souvenir de Solférino publié en 1862 par H. Dunant aux textes les plus récents, comme celui de Jean-Marc Bornet intitulé Entre les lignes ennemies, délégué du CICR (1972-2003), on dénombre ainsi plus d’une quinzaine de témoignages — les uns très officiels, les autres totalement clandestins — prenant la forme de rapports, d’enregistrements sonores, de journaux intimes, de souvenirs mais aussi de fictions. Le séminaire interrogera cette mise en récit de l’action humanitaire : de quels processus d’écriture procèdent ces récits ? S’agit-il de témoigner, de dénoncer, de se justifier ou de se construire ? Dans quelle mesure les documents publiés se distinguent-ils des rapports classés dans les archives, quelle est la part du toilettage et de la langue de bois ? L’étude de ces textes et leur réception dans l’espace public nous éclairera sur les rapports ambivalents que les institutions – en particulier le CICR – entretiennent avec ce type de publications, à la fois nécessaires à la mise en valeur de leur travail et révélatrices des tensions qui parcourent le système humanitaire contemporain. Au-delà de la pertinence des acteurs humanitaires, observateurs directs ou indirects de la plupart des tragédies contemporaines, comme source de l’histoire, c’est la question du rapport que les historien.ne.s entretiennent avec les témoins qui sera au centre de nos réflexions. |