• Koering Jérémie

Pourquoi, vers la fin de sa vie, Titien travaillait-il « plus avec les doigts qu’avec les pinceaux » ? Que voulait dire Bellori en parlant de la furia del pennello de Rubens ? Et qu’en est-il de la mirabile prestezza de Tintoret louée par Ridolfi ? A quoi ressemble une pittura di tocco e di macchia ?  La touche rugueuse de Rembrandt dit-elle quelque chose de plus sur la signification de ses œuvres ? Qu’est-ce qui sépare l’artiste d’un artisan ? Peut-on établir un lien entre vertu et virtuosité ? Que nous apprennent sur l’art de peindre les outils arborés par saint Luc, le saint patron des peintres ?

Pour répondre à ces questions, le (pro)séminaire part du postulat que la pratique artistique ne saurait être dissociée de la technè et que la peinture en tant que « chose mentale » ne peut s’affranchir d’un ressentir et d’un faire. Ce qui nous permet aujourd’hui de reconnaître en un coup d’œil la facture picturale d’une œuvre est, dès la Renaissance, objet d’un discours fondateur autour de l’auctorialité et de la gestualité créatrice.

Le (pro)séminaire propose de s’arrêter sur quelques-unes des figures majeures de l’art occidental où l’emphase du peindre est la plus manifeste. Le savoir-faire artistique est souvent mis en exergue par le déploiement des instruments de peinture (pinceaux, palette, chevalet) vus comme attributs du métier si ce n’est comme extensions symboliques du corps-même de l’artiste. La lecture de ce type d’images permettra d’approfondir les notions de « touche », de « manière » et implicitement de « style ».

Françoise Bardon, Petit traité de picturologie, Paris, E.C. éditions, 2000.

Magdalena Bushardt / Henriette haug (éds.), Spur der Arbeit: Oberfläche und Werkprozess, Cologne, Böhlau, 2018.

Jan Blanc, Peindre et penser la peinture au XVII^e siècle : La théorie de l’art de Samuel van Hoogstraten, Berne, Peter Lang, 2008.

Annamaria Ducci (éd.), « Chirurgia della Creazione. Mano e arti visive », Predella, 29 (2011)

Guillaume Cassegrain, La coulure, Paris, Hazan, 2015.

Cat. exp., Rubens unveiled : notes on the master’s painting technique, Anvers, Ludion, 2012.

Fabiana Cazzola, Im Akt des Malens. Aspekte von Zeitlichkeit in Selbstporträts der italienischen Frühen Neuzeit, Wilhelm Fink, 2013.

Jean-Louis Chrétien, Corps à corps. A l’écoute de l’œuvre d’art, Paris, Minuit, 1997.

Jodi Cranston, The Muddied Mirror. Materiality and Figuration in Titian’s Later Paintings, Penn State University Press, 2010.

James Elkins, What Painting Is. How to Think about Oil Painting using the Language of Alchemy, Routledge, 2000. 

Henri Focillon, Vie des formes suivi de Éloge de la main, Paris, Presses universitaires de France, 2010.

Mariacarla Gadebusch Bondio (éd.), Die Hand. Elemente einer Medizin- und Kulturgeschichte, Berlin, Lit, 2010.

Amy Golhany, Rembrandt – Studies in his Varied Approaches to Italian Art, Leyde, Brill, 2020.

Michel Guérin, Philosophie du geste, Arles, Actes Sud, 2011.

Yannis Hadjinicolaou, Denkende Körper – Formende Hände. ‘Handelin’ on Kunst und Kunsttheorie der ‘Rembrandtisten, Berlin, De Gruyter, 2016 / Yannis Hadjinicolaou, Thinking Bodies – Shaping Hands. ‘Handeling’ in Art and Theory of the late Rembrandtists, Brill, 2019. 

Erma Hermens (éd.), Looking through paintings: the study of painting techniques and materials in support of art historical research, Baarn, de Prom, 1998.

Michel Hochmann, Colorito. La technique des peintres vénitiens à la Renaissance, Turnhout, Brepols, 2015.

Ulrike Kern, A History of Chiaroscuro in Art Theory and Artistic Practice in the Netherlands of the Seventeenth and Eighteenth Centuries, Brepols, 2013.

Robert Klein, L’esthétique de la technè. L’art selon Aristote et les théories des arts visuel au XVI^e siècle, Jérémie Koering (éd.), Paris, INHA, 2017. 

Robert Klein, « L’art et l’attention au technique », in La forme et l’intelligible, Paris, Gallimard, 1970, pp. 382-393.

Jérémie Koering, « Titien sculpteur ? », Venezia Cinquecento, XVIII/36 (2009), pp. 177-196. 

Jérémie Koering, « Rembrandt mis à mort par la peinture même », Revue de l’art, 197 (2017), pp. 9-15. 

David A. Levine, « Frans Hals and the Vernacular », in Joost Keizer / Todd M. Richardson (éds.), The Transformation of the Vernacular Expression in Early Modern Arts, Leyde, Brill, 2012, pp. 179-203.

Maria H. Loh, Titian’s Touch. Art, Magic and Philosophy, University of Chicago Press, 2019.

Arnaud Maillet, « La palette, instrument de la connaissance de soi ? Théorie de la pratique picturale », in Jackie Pigeaud / Baldine Saint Girons (éds.), La connaissance de soi, Presses Universitaires de Rennes, 2020, pp. 193-212.

Joe Moshenska, « Touching the Beautiful: The Feeling of Artworks in the European Renaissance », in Feeling Pleasures. The Sense of Touch in Renaissance England, Oxford University Press, 2014, pp. 143-174.

Philippe Murray, La gloire de Rubens, Paris, Les belles lettres, 2013.

Tom Nichols, « Tintoretto, prestezza and the poligrafi: a study in the literary and visual culture of Cinquecento Venice », Renaissance Studies, 10/1 (1996), pp. 72-100.

Jackie Pigeaud, L’art et le Vivant, Paris, Gallimard, 1995.

David Rosand, « Titian and the Eloquence of the Brush », Artibus et Historiae, 2/3 (1981), pp. 85-96. 

David Rosand, La trace de l’artiste. Léonard et Titien, Paris, Gallimard, 1993.

Philip Sohm, « Palettes as Signatures and Encoded Identities in Early-Modern Self-Portraits”, Art History, 40/5 (2017), pp. 994-1025.

Philip Sohm, « Senescent and inspiring palettes », Simiolus, 49 (2018), pp. 167-185.

Philip Sohm, The Artist Grows Old. The Aging of Art and Artists in Italy, Yale University Press, 2007.

Philip Sohm, Style in the Art Theory of Early Modern Italy, Cambridge University Press, 2001.

Philip Sohm, Marco Boschini, his Critics, and their Critiques of Painterly Brushwork in Seventeenth- and Eighteenth-Century Italy, Cambridge University Press, 1991.

Nicola Suthor, Bravura. Virtuosität und Mutwilligkeit in der Malerei der Frühen Neuzeit, Paderbon, Wilhelm Fink, 2010 / Bravura: Virtuosity and Ambition in Early Modern European Painting, Princeton University Press, 2021.

Nicola Suthor, Rembrandt’s Roughness, Princeton University Press, 2018.

Nicola Suthor, « ‘Art on the Tip of the Brush’: A Blind Manœuvre? Reflections on Correggio’s Brush, Arent de Gelder’s Spatula, and Pietro Testa’s Figure of Practice », in Alina Payne (éd.), Vision and Its Instruments: Art, Science and Technology in Early Modern Europe, Penn State Press, 2015, pp. 167-189.

Terry van Druten, « Making and Creating. The Painted Palette in Late Nineteenth-Century Dutch Painting », in Rachel Esner / Ann-Sophie Lehmann / Sandra Kisters (éds.), Hiding, Making, Showing Creation, Amsterdam University Press, 2013, pp. 73-85.

« Virtus, virtuositeit en kunstliefhebbers in de Nederlanden 1500 - 1700 / Virtue, virtuoso and virtuosity in Netherlandish Art 1500 – 1700 », Nederlands Kunsthistorisch Jaarboek, 54 (2003).

Thijs Weststeijn / Beverly Jackson / Lynne Richards, The Visible World: Samuel van Hooghstraten’s Art Theroy and the Legitimation of Painting in the Dutch Golden Age, Amsterdam University Press, 2008. 

Ernst van de Wetering, « Reflections on the Relation between Technique and Style. The Use of the Palette by the Seventeenth-Century Painter », in o. coll., Historical Painting Techniques, Materials, and Studio Practice, Los Angeles, The Getty Conservation Institute, 1996, pp. 196-203.

Diane Wolfthal, « Renaissance Fingerpainting » in Hélène Veroustraete / Jacqueline Couvert (éds.), La peinture ancienne et ses procédés. Copies, répliques, pastiches, Leuven, Peeters, 2003, pp. 91-97.

Rudolf Wittkower, Masters of the Loaded Brush : oil sketches from Rubens to Tiepolo, cat. exp., M. Knoedler, New York, 1967, pp. XV-XXV.