PolitiquePublié le 10.04.2024

Etude sur la politique "anti-genre" en Suisse et en Europe


Un projet de recherche mené à l'échelle européenne montre où et comment le discours politique "anti-genre" se manifeste dans différents pays. Il existe aussi en Suisse, comme le montre une étude partielle dirigée par la Haute école de Lucerne en collaboration avec l'Université de Lausanne et l'Université de Fribourg.

Le terme "anti-genre" désigne les efforts visant à restreindre la diversité sexuelle et de genre ainsi que l'égalité des sexes. Elle se manifeste dans différents contextes nationaux en Europe du Sud, de l'Est et de l'Ouest. Bien que le discours "anti-genre" soit principalement associée à l'extrême droite, on le retrouve dans tout l'éventail politique. Un projet de recherche international a examiné sous quelle forme ce discours "anti-genre" se manifeste dans différents pays européens.

Projet de recherche à l'échelle européenne
Cette étude est la première recherche transnationale à mettre en lumière le discours politique "anti-genre" dans les parlements, les médias ainsi que les controverses publiques dans un contexte paneuropéen. L'étude a examiné 200 débats parlementaires au niveau national et plus de 2000 articles de presse provenant de 87 médias en Hongrie, en Pologne, en Suisse, au Royaume-Uni et au Parlement européen entre 2015 et 2023. Les résultats de la recherche montrent plusieurs modèles de remise en question des droits des femmes et des personnes LGBTIQ+ au cours de cette période. Dans tous les pays étudiés, il est apparu que les droits des personnes trans et la reconnaissance des droits LGBTIQ+ en particulier, étaient remis en question par des interventions politiques régulières ou des débats parlementaires. «Une tactique clé consiste à essayer de catégoriser toute forme de visibilité et de plaidoyer LGBTIQ+ comme activisme agressif» , explique la professeure Stefanie Boulila de la Haute école de Lucerne qui a dirigé l’étude. Dans les débats parlementaires, cela se traduit souvent par l'accusation d'imposer à la "population majoritaire" les idées et les valeurs d'une minorité non représentative. «Un homme ou une femme politique peut ainsi se présenter comme le défenseur des droits des enfants ou des parents, de la liberté d'expression ou même de la démocratie» , poursuit la professeure de la HSLU.

Discours «anti-genre» en Suisse
Dans le cadre de ce projet européen, Horizon RESIST, la Haute école de Lucerne, l’Université de Lausanne et l'Université de Fribourg ont analysé les discours politiques "anti-genre" en Suisse. Les résultats de l'étude montrent clairement que ces discours se rencontrent également en Suisse. Par exemple, la rhétorique politique "anti-genre" se manifeste dans le discours sur la prétendue sexualisation précoce des enfants et la promotion d’identités sexuelles et de genre différentes. L'étude montre que dans le discours politique, la reconnaissance de la diversité sexuelle et de genre est souvent associée à une supposée mise en danger des enfants et des jeunes. Par exemple, les offres pédagogiques telles que les campagnes nationales de sensibilisation ou les lectures de drag queens sont critiquées comme étant immorales et dangereuses lorsqu'elles informent les jeunes sur les sexualités et les identités queer. Ce qui est particulièrement frappant en Suisse, c’est que dans les débats parlementaires, la rhétorique "anti-genre" ne se manifeste que rarement sous la forme d'interventions hostiles ou incendiaires, mais majoritairement sous la forme de discours technocratiques et légalistes. Dans le débat sur la simplification de la procédure de changement de sexe enregistré, les craintes d'un éventuel abus du système ont été mises en avant en ce qui concerne l'âge de la retraite et le service militaire. «Cela montre que l'opposition à l'égalité des sexes et des sexualités ne doit pas nécessairement prendre la forme de discours émotionnellement chargés et fortement idéologiques» , explique la directrice d'étude. Ainsi, la rhétorique "anti-genre" n'est pas toujours tangible en tant que telle.

Les effets doivent être étudiés
L'un des objectifs de cette première étude était de découvrir comment le discours "anti-genre" se manifeste dans les différents pays. Ces connaissances doivent maintenant permettre d'examiner cette thématique plus en détail dans le cadre d'études ultérieures. Les chercheurs veulent découvrir comment le discours "anti-genre" se répercute sur les expériences quotidiennes, la liberté d'expression, la liberté académique, les droits reproductifs ainsi que la diversité de genres. L'étude devrait s'achever à l'automne 2026.

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Horizon RESIST
Le projet est mené par la Haute école de Lucerne en collaboration avec l'University College Dublin, l'Edinburgh Napier University, l'Europa-Universität Viadrina, l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, l'Université de Lausanne, l'Université de Fribourg, l'Université Maynooth, l'Universitat Pompeu Fabra et le Feminist Autonomous Centre for Research, Athènes. L'analyse parlementaire et médiatique transnationale a été dirigée par l'Université Maynooth. Horizon Europe est le plus grand programme de financement de la recherche et de l'innovation au monde et les projets de recherche qu'il soutient dans le cadre de l'étude RESIST ont été sélectionnés dans le cadre d'une procédure compétitive. L'étude a en outre été soutenue par des conseils de recherche et des organismes de financement du Royaume-Uni et de la Suisse.