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«Fribourgeois et fier de l’être»

Paysan, vieillot, démodé, un canton de passage où rien ne retient le visiteur, une ville de ponts qu’on a juste envie de traverser… Fribourg a parfois mal à son image. Pour lui donner un coup de peps, l’Etat, associé à 12 partenaires,a créé Fribourgissima Image Fribourg. Objectifs: dynamisme, modernité et cohésion. Entretien avec la présidente de l’association, la Chancelière Danielle Gagnaux-Morel.

Danielle Gagnaux-Morel, sur quel constat s’est créé Fribourgissima Image Fribourg?

C’est simple: Fribourg est méconnu. En 2005–2006, nous avons réalisé que cette image se résumait à trois «k»: katholisch, konservative und korrupt (à cause, par exemple, de l’affaire du garage de la police). En tant que Fribourgeois, nous ne nous y retrouvions pas du tout! Nous avons mandaté deux journalistes pour conduire une enquête auprès de leurs pairs à Lausanne et Zurich. Intuition confirmée: Fribourg était perçue comme sympathique, mais «altmodisch». Il était donc temps de travailler notre notoriété pour attirer des entreprises, inciter des gens à découvrir Fribourg, y étudier et s’y installer.

 

Les Fribourgeois seraient trop modestes. Est-ce une raison de ce déficit d’image?

On le dit en tout cas. Mais j’ai l’impression que c’est un défaut qui commence à se corriger. Je ne sais pas si c’est grâce à nos actions… Ce serait sans doute prétentieux de dire cela (rires). Le fait est qu’on parle plus de nous. Dans les médias, les sujets sur Fribourg ont changé. Ce chemin s’effectue dans les deux sens: l’image extérieure qui évolue et la confiance en soi qui s’affirme. Aujourd’hui, on est plus facilement Fribourgeois et fier de l’être.

 

L’association a passé le cap des premiers trois ans et vogue aujourd’hui dans son second mandat, comment la voyez-vous évoluer?

Depuis le début, nous soutenons et créons des manifestions qui permettent à Fribourg de rayonner à l’extérieur. C’est un volet qui fonctionne très bien. Aujourd’hui, nous travaillons beaucoup sur les synergies entre les partenaires. En 2019, l’avenir de l’association sera rediscuté. Si tous les partenaires comprennent l’importance de notre intérêt commun, je pense que nous pourrons exister à long terme. Notre avantage, c’est que nous sommes extrêmement pragmatiques.

 

Cela aussi reflète un certain esprit fribourgeois?

Oui, mais cette fois à garder et à cultiver!

 

Votre site Internet laisse de côté les considérations économiques ou politiques pour mettre, justement, l’accent sur l’esprit fribourgeois. Pourquoi ce parti pris?

Parce que c’est celui qui nous parle. Les échos d’autres cantons me montrent que la formule du partenariat public-privé est un bon choix. Ailleurs, c’est soit le tourisme, soit l’Etat qui pilote ce type de projet. Nous sommes les seuls à rassembler ainsi quatorze acteurs. C’est une particularité sur laquelle nous voulons mettre l’accent. Nous n’avons finalement que peu de moyens à mettre dans ces campagnes, il faut donc trouver une autre façon d’acquérir une certaine force de frappe.

 

C’est aussi le sens de votre slogan: «Fribourg, le bonheur en plus»?

Au moment où ce slogan a été créé, une analyse montrait que les Fribourgeois étaient très contents de leur qualité de vie. Le Conseiller d’Etat, Beat Vonlanthen, venait aussi de travailler sur la notion de bonheur national brut (BNB) avec la cheffe d’entreprise bulloise Paola Ghillani. Et puis, on n’ose jamais trop en parler, mais finalement c’est ce que chacun recherche, le bonheur.

 

Est-ce qu’il existe un réseau d’expatriés fribourgeois qui pourraient jouer les ambassadeurs du Canton?

Voilà une thématique intéressante. Il existe un réseau en lien avec la Promotion économique. Fribourgissima Image Fribourg devrait aussi en entretenir un. Nous avons créé des liens informels dans de nombreux secteurs, mais il ne s’agit pas d’un réseau organisé. L’Université aurait un joli rôle à jouer dans un tel projet. Un tiers, voire la moitié, de mes collègues chanceliers ont fait au moins une partie de leurs études à l’Université de Fribourg. C’est vraiment un potentiel à explorer.

 

Justement, comment voyez-vous le rôle de l’Unifr au sein de Fribourgissima Image Fribourg?

Chacun de nos partenaires a son identité et sa mission. L’Université est, d’une part, créatrice d’image par ses publications, son enseignement, sa culture… Par sa vie, en fait. Il y a là toute une image du Fribourg académique que nous pourrions davantage exploiter, comme par exemple cette prestigieuse bourse européenne qu’a obtenue le Professeur Philippe Cudré-Mauroux pour son travail sur le big data ou les recherches de pointe menées pas l’Institut Adolphe Merkle. Mais l’Université est aussi un partenaire intéressant et précieux par le vivier estudiantin qu’elle draîne à Fribourg. Si les étudiants se plaisent chez nous, ils pourraient y rester, y trouver un emploi ou y fonder une entreprise, contribuant ainsi au développement économique et culturel du Canton.

 

© Getty Images

Une dizaine de milliers d’étudiants, cela change la dynamique d’une ville…

C’est très important, selon moi. Il existe toute une scène culturelle fribourgeoise qui n’aurait pas le même visage sans les étudiant·e·s. Si nous n’étions qu’un canton rural ce ne serait pas du tout le même milieu.

 

Que souhaitez-vous à l’association?

Qu’un jour on reconnaisse que Fribourgissima Image Fribourg a donné un coup de punch à la promotion de l’image et une valeur ajoutée au Canton. Et puis, que nous ayons toujours des idées nouvelles pour des projets intéressants.

 

Pas facile de garder le cap vers une image positive, non?

Ce qui me frappe, c’est à quel point un effort régulier peut, à tout moment, être blackboulé. Prenez l’exemple des manifestations qui ont suivi l’annonce de la création d’un centre pour les réfugiés à Giffers. Tout le travail de promotion de l’image a été balayé d’un coup et on n’a retrouvé l’image d’un canton primitif, voire primaire, dont les habitants allument des feux sur les montagnes! Une image positive se cultive sur le long terme et on a malheureusement pas toujours prise sur l’image qu’on projette. Si Gottéron perd souvent, l’impact est négatif. Si l’équipe gagne, ce n’est pas une révolution, mais cela insuffle un esprit gagnant. Une image c’est long à construire, mais c’est vite cassé. Il faut que les gens prennent conscience de cela. Je ne sais pas à quoi ont pensé les manifestants à Giffers, mais ils ont fait passablement de mal à l’image du Canton en général et à celle de la Singine en particulier.

 

Danielle Gagnaux-Morel est la première femme nommée par le Conseil fédéral à la tête d’une station fédérale de recherches agronomiques, puis à occuper, depuis 2005, le poste de chancelière du Canton de Fribourg.

Parler et faire parler de Fribourg
Début des années 2000, l’affaire du garage de la police ou la perte du tribunal administratif fédéral au profit de Saint-Gall et du Tessin viennent écorner l’image du Canton de Fribourg. Le Conseil d’Etat inscrit alors, en 2006, cette question à son programme de législature. Un première association voit le jour, en partenariat avec la Chambre de commerce. Mais celle-ci s’essouffle rapidement et de ses cendres naît, en 2013, Fribourgissima Image Fribourg. Celle-ci fonctionne sur un partenariat public-privé, rassemblant de grands acteurs de l’image du Canton comme la Promotion économique, les Quatre piliers de l’économie fribourgeoise (Banque Cantonale de Fribourg – BCF, Etablissement cantonal d’assurance des bâtiments – ECAB, Groupe E et les Transports publics fribourgeois – TPF), ainsi que l’Université ou encore l’Union fribourgeoise du tourisme (UFT), 13 membres en tout. Cette année, la Ville de Fribourg a également rejoint la discussion et l’association reste ouverte à l’arrivée de nouveaux partenaires. «L’avantage d’une telle formule, explique Danielle Gagnaux-Morel, chancelière d’Etat et présidente du comité exécutif de l’Association, c’est que ceux qui auraient des critiques à apporter ont la possibilité de faire évoluer les choses.»

 

Un projet à porter sur le long terme
Danielle Gagnaux Morel accorde une grande importance la promotion de l’image. «C’est pourquoi j’ai porté ce projet devant le Conseil d’Etat», explique-t-elle. Et si c’est elle qui occupe le siège de présidente, c’est parce que «c’est une dynamique venue de la Chancellerie. Il faut beaucoup d’énergie pour faire vivre une telle association. Il faut vraiment y croire». Le travail quotidien et les projets sont menés par une community manager, Marie-Céline Coen. Site Internet, réseaux sociaux, merchandising et événementiel sont à son menu quotidien. «C’est le cœur de notre existence, souligne Danielle Gagnaux-Morel. Sans ce cœur opérationnel, une telle association n’a aucune chance de tenir sur la durée.» Les projets sont également soumis à un comité exécutif et un pilotage politique qui ont pour but de maintenir le lien avec les partenaires et de remonter critiques et propositions. Premier objectif: offrir un relais à des manifestations existantes et créer des événements pour mettre le Canton en valeur hors de ses frontières. Fribourgissima Image Fribourg a, par exemple, accompagné la tournée intercantonale du bus du 125e anniversaire de l’Université de Fribourg ou, plus récemment, soutenu l’aventure fribourgeoise de la prestigieuse Gordon Bennett. Fribourgissima Image Fribourg veut également mettre ce qu’elle appelle les acteurs fribourgeois de l’image en réseau, afin de créer des synergies.

Site Internet: fribourg.ch
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