Dossier

Pourquoi les gens sont-ils la peau blanche ou noire? Timeo, 9 ans

Voilà une question essentielle que l’on se pose légitimement depuis le plus jeune âge. Elle trouve son explication au cœur de l’infiniment petit et éclaire notre conception générale de l’humanité.

Depuis toujours l’Homme, surtout en Europe, a cherché à catégoriser les éléments qui l’entourent. Cela lui a bien sûr permis d’énormes progrès, mais en faisant ces classements certains se sont trompés et il faut bien avouer, comme le font les Sages, que l’erreur est humaine! C’est ainsi que des chercheurs s’étaient étonnés qu’en Afrique les Hommes aient la peau noire et qu’en Europe elle soit bien plus blanche… Certains ont même cru voir des «Peaux-Rouges» chez les indigènes d’Amérique du Nord, ou qualifié de «Jaunes» les peuples asiatiques. Depuis, on sait que les Hommes sur Terre ne peuvent pas être rangés selon une couleur.

 

Sur quelque continent que nous vivions, nous sommes tous issus de la même espèce: ni Homme blanc ni Homme noir, juste une espèce tout en nuances parce que Mère Nature, comme pour tout, fait des choses extraordinaires. Homo Sapiens est une créature toute récente, née en Afrique il y a quelque 40’000 ans et devenue «Homme blanc» il y a 8’000 ans seulement. Une poussière à l’échelle du temps… Et il se peut que l’ancêtre de nos 8 milliards de congénères que la Terre accueille désormais ait eu une peau foncée. Comment expliquer tout cela? Marie-Pierre Chevron, maîtresse d’enseignement et de recherche spécialisée en didactique de la biologie apporte une réponse… claire à cette question!

 

Des pigments pour nous protéger

Nos cellules contiennent chacune notre bagage génétique, une valise remplie d’informations très importantes dans la construction de notre corps, la couleur de notre peau, de nos cheveux, de nos yeux… Dans la peau, certaines cellules contiennent des sortes de sacs remplis de molécules qui nous protègent des rayons parfois nocifs du soleil. Ce sont les mélanines. Les informations génétiques qui en permettent la fabrication dépendent de l’environnement dans lequel nous vivons et de celui dans lequel nos ancêtres ont vécu. Au fil du temps, nos cellules ont enregistré ce qui nous permet de survivre au mieux dans un environnement particulier: les peaux noires, qui résistent mieux aux rayons du soleil, se sont davantage développées dans les pays chauds… et les peaux blanches, elles, dans des régions moins ensoleillées.

 

Très présentes dans les règnes animal et végétal, ces mélanines sont des pigments biologiques responsables de la couleur du pelage chez les animaux, des plumes chez les oiseaux, de la peau, des cheveux ou du fond de l’œil par exemple. Elles absorbent plus ou moins les rayons lumineux et renvoient ainsi différentes couleurs: blanc, noir, beige, brun, brun-doré, brun rouge. La couleur de la peau dépend encore d’un autre pigment, les carotènes, et de la présence du sang qui, lorsque la peau est blanche, la colore légèrement en rose. C’est donc le type de pigments et la taille des sacs qui les contiennent dans la cellule qui forment la remarquable palette de couleurs qu’offre la peau.

 

© Jan von Holleben

«Cette molécule est extraordinaire, elle absorbe certains rayonnements qui composent la lumière, explique Marie-Pierre Chevron. Lorsque celle-ci est complètement absorbée, les molécules ne renvoient rien et la matière qui les contient apparaît alors noire. Si ces pigments absorbent tous les rayonnements sauf le vert, comme la chlorophylle dans les plantes, alors elle apparaît verte. Enfin, si la lumière n’est pas absorbée, elle est restituée et la matière apparaît alors blanche.»

 

Soleil et vitamine D

Au surplus elles jouent un rôle non négligeable pour notre santé. Les vitamines, et parmi elles la vitamine D, nous permettent d’utiliser le calcium pour le bon fonctionnement du corps et la robustesse du squelette. Or cette vitamine a besoin du soleil pour être produite. Si une peau est très sombre, elle empêche en partie les rayons du soleil de pénétrer dans la cellule: il lui faut beaucoup de soleil. A l’inverse, les habitants des pays peu ensoleillés ont la peau plutôt blanche pour permettre aux cellules de produire quand même cette vitamine D. Ce qui oblige souvent les personnes à la peau sombre qui vivent dans des pays peu ensoleillés – et manquent donc de vitamine D – à prendre des compléments alimentaires pour combler ce manque de production de leurs cellules. Mais pourquoi, si la peau blanche peut bronzer, la peau noire ne s’éclaircirait-elle pas? «La peau noire pourrait blanchir si les recettes de fabrication de la mélanine venaient à changer, explique Marie-Pierre Chevron. Les cellules en produiraient moins ou plus du tout, comme chez les albinos. Certains polluants ou des traitements chimiques peuvent aussi diminuer les quantités de mélanines produites. Michael Jackson, par exemple, y avait eu recours…»

 

A chacun de choisir entre la réponse rationnelle de Marie-Pierre Chevron, qui trouve des raisons scientifiques pour nous permettre de comprendre la vie et ses mécanismes, et une posture humaniste qui admire le hasard génétique qui fait naître une vie ici ou là, un Homo Sapiens de peau blanche ou noire… Comme un peintre devant son tableau, la Nature a déterminé avec goût si un ton clair ou un ton plus foncé ferait ou non merveille dans son tableau. Car elle sait bien, elle aussi, «qu’il faut de tout pour faire un monde».

 

Notre experte Marie-Pierre Chevron est maîtresse d’enseignement et de recherche en biologie à l’Université de Fribourg et enseignante en biologie et en chimie au Gymnase intercantonal de la Broye.

marie-pierre.chevron@unifr.ch